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Rosetta: 10 ans de voyage...  
Article sur Cultures Sciences

Dans les années 80, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) lançait l’idée de la mission Rosetta. Retour sur l’histoire du projet.

 

Le robot Philae va-t-il pouvoir utiliser ses panneaux solaires pour recharger ses batteries et continuer son exploration de la comète « 67P » ? Ce suspense scientifique hors du commun est l’aboutissement d’un travail de 30 ans. On n’envoie pas une sonde à 500 millions de kilomètres de la Terre à la légère ! La mission Rosetta est ce que les scientifiques de l’ESA nomment une mission « Pierre angulaire ».  Eléments et données historiques avec Vincent Minier, astrophysicien. Scientifique au Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), il est aussi chercheur associé à l’Université de Nantes. Il pilote le projet de recherche Explornova qui sonde les relations entre science, innovation et culture.

 

A partir de quand l’ESA commence-t-elle à parler de Rosetta ? 
Tout commence dans les années 80. A l’époque, le directeur scientifique de l’ESA, Roger-Maurice Bonnet, décide de lancer un programme scientifique sur plusieurs décennies qui associe la communauté scientifique et l’industrie européenne. On cesse de faire du « One shot », c'est-à-dire des missions uniques au fur et à mesure des besoins scientifiques. L’ESA définit alors quatre grandes missions : Cluster (4 satellites de relais) associée à SOHO (pour étudier le soleil, toujours en cours), XMM-Newton (pour l’observation des rayons X), Rosetta qui sera lancée en 2004 et l’observatoire spatial Herschel. Ce sont les quatre missions « Pierres angulaires ». Dans le même temps, dès 1985, il y a une volonté politique de lancer le programme Ariane 5. Tous ces éléments ont contribué à définir le programme Horizon 2000 de l’ESA dans le domaine des missions spatiales. A l’époque, on imaginait Rosetta comme une « Return sample mission ». Les chercheurs pensaient faire revenir des échantillons de comète sur Terre ! Imaginez un peu… Nous sommes au milieu des années 80, et on voulait déjà poser un robot sur une comète. A l’époque, on rêvait vraiment. C’était complètement fou ! 30 ans plus tard, il y a un aspect stupéfiant, quelque chose de visionnaire qui s’est réalisé ! Concrètement, Rosetta c’est 10 ans de conception, 10 ans de réalisation et 10 ans de voyage.

 

Quelles sont les particularités de ce type de missions ?
L’Europe a toujours privilégié l’exploration robotique. Contrairement aux américains ou aux russes qui envoient plus volontiers des humains dans l’espace. Il est d’ailleurs intéressant de voir comment Philae a été humanisé dans les commentaires la nuit où il a renvoyé toutes les données scientifiques avant de s’endormir, faute de soleil pour recharger ses batteries. Un moment d’une grande émotion sur le Web. « Philae ne répond plus, mais n'est pas mort » ! Sinon, comme toutes les missions, Rosetta allie robustesse technique et prise de risque. C’est le propre de ces missions spatiales, il y a un compromis à trouver pour assurer la réussite technique et le progrès scientifique. Ce n’est pas la première fois que l’on s’approche d’une comète. En revanche, c’est la première fois que l’on y pose un atterrisseur. La prise de risque est là. Même si Philae a rebondi avant de se poser, c’est un succès technologique.

 

Rosetta est-elle vraiment une mission 100 % européenne ?
Sur la mission Curiosity qui explore Mars, certains instruments ont été réalisés par des laboratoires européens. Sur Rosetta, la NASA a elle aussi participé à l’élaboration de quelques instruments. C’est compliqué de « nationaliser » une mission spatiale car très souvent, ce sont des consortiums internationaux qui construisent les instruments embarqués. On commence par l’expression d’un besoin scientifique, et ensuite, une communauté se met en place pour créer les bons instruments. Il y a donc des questions de compétitions internes à régler et des questions essentielles de management technique et scientifique. Mais les perdants au sein d’un consortium gagnent de toute façon sur le long terme car les retombées au niveau de la recherche profitent à tout le monde. La mission est européenne dans le sens où la construction du satellite Rosetta, a été dirigée par l’ESA et réalisée essentiellement par l’industrie et les laboratoires européens.

 

Et le coût ?
Lors de la validation des missions “Pierres Angulaires”, l’ESA ne voulait pas dépasser une enveloppe de 400 millions d’euros par mission sur la partie charge utile. C’est une grande différence avec les américains par exemple. Eux n’hésitent pas exploser leurs budgets s’ils peuvent le faire. Mais les sauts scientifiques réalisés grâce à la NASA sont tels que la communauté des chercheurs est derrière. C’est le cas avec le James Webb Space Telescope, successeur attendu d’Hubble. Sur Rosetta, il a donc fallu faire des choix. Ce fameux équilibre entre robustesse et prise de risque. Au final, une mission de cette envergure a un coût d’environ 1 milliard d’euros, mais cela comporte le salaire des équipes sur deux décennies ! Soit trois airbus A380 en 20 ans. Un rêve abordable.

Propos recueillis par L. Salters

 

Source Cultures Sciences

 

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V. Minier, dépêche du 25/11/2014
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